DE LA DEMOCRATIE
Le mot “Démocratie” est synonyme de modèle politique insurpassable, applicable partout et par tous, un but à atteindre, une espérance pour certains. En dehors de l’étymologie, aucune définition précise n’est proposée : les choses vont de soi. Plutôt que d’en chercher une, il peut être tenté de discerner les traits communs aux diverses nations qui s’en revendiquent.
La morale est par essence transcendante par rapport à la législation. C’est pourtant cette dernière qui est devenu le référentiel absolu : le bien est le légal, le mal est un délit décrit dans les textes. Chacun s’accorde à penser que les décisions les plus importantes sont prises par une oligarchie financière pour qui l’intérêt général n’est qu’une réminiscence du passé. La régulation provient de l’équilibre des intérêts personnels : la concurrence. Il est aussi admis qu’il est impossible de rendre illégal les agissements des spéculateurs. On s’en accommode donc ; mieux, on les théorise pour en faire un mode de société. Les abus, unanimement regrettables, sont donc regrettés.
Les démocraties proposent constamment un couple consommation/productivité en constante augmentation. Ceci permet en théorie d’équilibrer les comptes ; pourtant cet équilibre n’est plus atteint depuis fort longtemps. Les mesures à mettre en œuvre sont trop coûteuses en popularité. Cette fuite en avant se fait au détriment des investissements à long terme pourtant susceptibles d’adapter les sociétés à un futur incontournable : le partage des richesses et des matières premières ainsi que leur utilisation raisonnée. Ceci est en partie obscurci par l’utilisation massive d’énergies fossiles qui remplace l’inventivité par une maîtrise des dominations.
Les démocraties remplacent leur secteur productif par une bureaucratie privée pléthorique. Au contraire des bureaucraties des régimes totalitaires, elle n’impose apparemment rien, elle se contente d’inciter. Toutefois, le contrôle des véhicules, le type d’éclairage, le nombre de polices d’assurance...sont très sérieusement encadrés. Les incitations ne font pas appel, la plupart du temps, à l’analyse ou à la raison, notions également devenues obsolètes, elles reposent plus prosaïquement sur le sexe et l’argent. La recherche des jouissances immédiates est au cœur des motivations.
L’émancipation des femmes représente un axe non discutable de toute proposition intellectuelle. Les responsables féminins n’étant ni pires ni meilleures que leurs collègues masculins, ceci a eu pour principal effet d’instituer un conformisme confortant le système. Rien de révolutionnaire, ni même de nouveau n’a été rendu possible.
La lutte contre le terrorisme étend chaque jour son domaine d’application. Originellement il s’agissait de mettre hors d’état de nuire de sanglants meurtriers. Petit à petit, les comportements déviants sont ciblés jusqu’à instituer un quasi-terrorisme vestimentaire. L’ennemi est circonscrit, il permet d’agiter les masses dans une direction qui les détourne de la réflexion quotidienne. Les dieux conventionnels, trop contraignants quant au bien être, sont devenus marginaux. D’autres, des sportifs, des chanteurs, des acteurs, ont pris leur place. Des hebdomadaires recueillent leur pensée qui sert de viatique aux autres. L’homme politique représente plus qu’il ne dirige la démocratie. Il « incarne » le pouvoir à l’occasion de votations fortement médiatisées. Cette incarnation du politique connaît ainsi une certaine ferveur avant les élections ; elle s’estompe très souvent dès que les gens touchent du doigt le personnage qu’elle recouvre. Les fonctions mêmes suprêmes ne permettent que peu l’inflexion du cours des choses et jamais leur changement. L’immédiateté ne permet pas la prise d’élan nécessaire aux actes fondateurs. Une Démocratie débarrassée de ces manipulations de l’affect est-elle possible ?
Jacques-Robert Simon
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