ACTUALITEES : réunions


Le Conseil de Développement Durable du Pays Diois tient ses permanences toutes les semaines, au local du Conseil de Développement Durable du Pays Diois à l'Ancien Évêché, Place de l' Évêché à Die . Vous pouvez trouver ses informations quotidiennes sur : http://mediascitoyens-diois.blogspot.com/





vendredi 9 juillet 2010

Le texte de l' été : Un Bouclier Rural

Le bouclier rural

Pour une égalité des citoyens et des territoires

Introduction :

« Ré humaniser les villes et revitaliser les campagnes »

C'est au départ un constat: la ruralité est absente du débat public, alors que, peut être plus que jamais avons-nous besoin de la capacité d'inventer, de proposer et d'imaginer de nos campagnes. Aujourd'hui, à force de reportages télévisés sur une vie urbaine présentée comme anonyme et "stressante" et de témoignages de citadins qui viennent "décompresser" chez nous le temps d'un week-end ou des vacances, se forge peu à peu le sentiment que la ruralité construit un modèle de vie alternatif et, au fonds, très moderne, à tout le moins très vivable.

Les nouvelles technologies, l'environnement préservé, la qualité des relations humaines- on se dit bonjour lorsque l'on se croise-, les commerces de proximité et même les petits super marchés locaux -où l'on connaît sa caissière-, les nouveaux emplois qui émergent peu à peu et peut être surtout la nécessité de devoir inventer et imaginer chaque jour des solutions à des questions très concrètes de la vie quotidienne ( Comment se déplacer? Comment lutter contre l'isolement des plus anciens et « faire compagnie »? Comment organiser les relations entre parents et enseignants? Quel nom donner à la nouvelle école maternelle? Comment participer à la vie de son village? ....) : Tout cela rend possible une contribution de la ruralité à un nouveau modèle de vivre ensemble qui promeut " la ré humanisation des villes et la revitalisation des campagnes", comme le propose Edgar Morin.

Par ailleurs, selon BVA en 2008, 8 millions de citadins (qui seraient 11 millions en 2009 selon le dernier sondage commandé par le collectif ville campagne !) ont aujourd'hui un projet de vie à la campagne. On parle aujourd’hui d'exode urbain. Même si les jeunes ruraux continuent de rechercher formations et emplois à la ville, l'envie de revenir au pays est une réalité partagée, ne serait-ce que le week-end pour rejoindre son club de foot.

Or, l’'Etat a démontré son absence de projet pour la société française. Il abandonne son rôle de stratège et privilégie une approche idéologique qui nie le vivre ensemble au profit de l’individualisme, l'excès inverse du collectivisme. L’hyper concentration apparaît comme un recul dans l’organisation de notre société.

Quand le « bouclier fiscal donne plus à ceux qui ont déjà trop », nous proposons de mettre en œuvre un bouclier rural qui garantisse l'égalité des droits et des chances au développement des territoires ruraux. Il serait opposable par les citoyens et les collectivités locales à l'Etat et à toutes les personnes morales chargées de la mise en œuvre d'une politique publique et en particulier de service public ou de l'emploi et du développement économique.

Autrement dit, il s'agit de remettre une vraie « efficacité publique locale "dans les campagnes, a rebours des régressions dramatiques des années récentes.

Nous formulons donc des propositions qui ont vocation à être partagées et portées par les départementaux ruraux et relayée à l’Assemblée Nationale et au Sénat par les parlementaires nivernais.

PREMIERE PARTIE :

LES PROPOSITIONS DU BOUCLIER RURAL

I) Des propositions pour développer l’économie et l’emploi

1) Création de zones franches rurales

Sur le modèle des zones franches urbaines, nous proposons de créer des zones franches rurales, dans les territoires ruraux les plus isolés, par exemple pour les bassins situés à plus de 40 mn d’une agglomération de plus de 20 000 habitants.

Les entreprises, et pas seulement celles qui se créent, auraient accès à une fiscalité adapté, tenant compte de la saisonnalité du chiffre d’affaires.

Ces zones franches permettront aussi d’adapter le rythme des mises aux normes dans des établissements, par exemple l’hôtellerie ou la restauration, à taille humaine, et menacées par des fermetures.

Un vrai partenariat bancaire, innovant et tenant compte de la spécificité des commerces locaux est à inventer.

2) Des pôles de compétitivité ruraux

Ils pourraient être créés, par exemple sur les filières courtes de l’agro alimentaire, sur le télé travail et l’environnement numérique de travail (écoles, collèges, lycées), sur le tourisme et le développement de galeries numériques pour inventer le musée de demain.

3) L’économie agricole

Elle pourrait être soutenue par la modernisation de l’outil de travail (comme par exemple la généralisation des GPS de traitement des sols, la mise en place d’une indemnité compensatrice de frais de transport pour les zones intermédiaires (transport de paille), l’incitation à des partenariats gagnants/gagnants entre céréaliers et éleveurs par exemple sur la valorisation de la paille.

4) La fibre optique partout et pour tous

Elle soutiendrait tous ceux qui innovent au quotidien et constituerait un outil pertinent de lutte contre l’isolement. Le développement du télétravail( qui selon une réçente étude devrait concerner 20% des salariés en France dans les prochaines années) et des télécentres, outils innovants et conviviaux qui changent le rapport au travail.

5) Le logement

En ne limitant plus dans le temps les OPAH et en permettant l’éclosion d’écovillages serait un levier puissant pour accueillir et vivre mieux en ruralité.

6) Les transports

Enfin, pour lesquels les idées ne manquent pas (chèque transport, co voiturage, transport à la demande, lignes virtuelles, modernisation du réseau des TER…) seront essentiels à ce nouveau modèle.

Ainsi, nous pourrons donner une chance aux territoires les plus défavorisés d’avoir accès au développement économique.

II) Pour l’accès des usagers aux services publics

La condition : suspendre la règle du non remplacement des fonctionnaires (écoles, la santé…) dans ces territoires :

S’il est toujours possible de réorganiser l’Etat au sommet, la présence de fonctionnaires en milieu rural est vitale : elle contribue à une égalité d’accès au service public, mais aussi à l’économie locale.

Aujourd’hui, dans les territoires ruraux la RGPP, c’est la réduction générale des politiques publiques, alors que les agents de l’Etat, comme les enseignants, fonctionnaires de l’équipement, de la justice, mais aussi les agents de service hospitaliers sont autant essentiels à la qualité du service public qu’à la vie même des territoires ruraux.

Nous proposons de rétablir l’égalité d’accès aux services publics des usagers des zones rurales, par exemple, en garantissant dans les domaines suivants un temps d’accès minimum aux services essentiels et d’abord à l’éducation et à la santé :

-Santé : accès à moins de 45 mn d’une maternité, de 20 mn d’un accueil de médecine générale, mise en place d’une prime individuelle pour les médecins isolés. Au-delà de l’aide à l’exercice de groupe des médecins, un soutien identique aux médecins isolés apparaît comme une nécessité

-Education : accès à moins de 15 mn d’une école élémentaire et primaire (30 mn par transport scolaire), à moins de 25 mn d’un collège (45 mn par transport scolaire)

-Justice : accès à moins de 45 mn d’un tribunal d’instance, à moins d’1 h 30 d’un tribunal de Grande Instance

-Services du Trésor : accès à moins de 20 mn d’une trésorerie, de 45 mn d’un centre des impôts

-Service postal : accès à moins de 15 mn d’un bureau de poste ouvert au moins 26 heures par semaine

-Relais de service public : accès à moins de 20 mn d’un relais accueil/relais de service public, co-financé durablement par l’Etat, relié en visio guichet aux administrations

-Missions d’appui aux collectivités pour remettre une vraie « puissance publique locale »: maison de services publics et poursuite de missions de conseils et d’appui technique aux communes de moins de 5 000 habitants (équipement, permis de construire, agriculture et forêt…), aides substantielles aux communes concernées par la dégradation des chemins et des routes dues au débardage

-Accès au haut débit : tout habitant, entreprise ou collectivité doit avoir accès aux voies nouvelles de communication

-Missions d’accompagnement d’accès à l’emploi et à la formation (initiale et professionnelle) : accès à moins de 30 mn d’un lieu d’accueil et d’information, accés aux formations qualifiantes et à des pôles universitaires à moins de 1h30.

III) Pour l’aide aux associations d’intérêt général qui apportent des services au public

Nous proposons que soit maintenue l’exonération des charges sociales patronales pour les associations d’intérêt général (le dispositif ZRR + est à inventer !) qui apportent des services au public, comme c’est le cas par exemple des centres sociaux. L’abandon de cette mesure signifierait rapidement la remise en cause des services de proximité, comme les centres de loisirs, halte garderies, relais acceuil/relais de service public etc.… et ce n’est pas acceptable.

La généralisation et le financement pérenne de lieux d'échange et de dialogue comme les comités de territoires, ainsi que le soutien sans faille et garanti dans le temps pour les agents de développement.

Nous proposons que soit mis en place des plans éducatif locaux pour résoudre la question de la petite délinquance rurale (qui n’est souvent qu’actes mineurs d’incivilité), et la coordination des moyens de prévention.


DEUXIEME PARTIE :

DES THEMES EXPLORATOIRES

IV) La ruralité, laboratoire d'une nouvelle école

Le dernier assaut lancé contre l’école publique illustré par le document ministériel intitulé « schéma d’emplois 2011-2013 »qui prévoit cyniquement la suppression de 16 000 postes supplémentaires, la liquidation des RASED, la tentation de la vidéo surveillance dans les établissements ou encore l’énième réflexion sur les rythmes scolaires illustrent une volonté politique forte de déshumaniser le système scolaire au moment où, sur le terrain et singulièrement à la campagne et dans les quartiers, nous pensons que la priorité est à l’invention d’un nouveau modèle pour une nouvelle vie de l’école..

Ainsi, le bouclier rural c'est aussi une contribution pour repenser notre système scolaire et en particulier l’école maternelle, primaire et le collège.

Nous proposons de généraliser les « ZEP rurales » c'est à dire les « aires rurales d'éducation concertée » (AREC).

Il s’agit essentiellement de mettre en acte les liens nécessaires entre parents, enseignants et élus locaux pour permettre de proposer, en accord et avec l’appui de l'Education nationale, de nouvelles orientations en matière de compréhension de la vie de l'école et du collège, et de participation à celle-ci.

D'abord avec des classes à taille humaine (25 élèves maximum), des temps de transports scolaires compatibles avec le rythme de vie des enfants et en particulier des plus petits et l'encouragement à la scolarisation des deux ans parce que la très petite section de maternelle est le premier lieu de socialisation et qu'en campagne elle n'est pas pensée et vécue comme une garderie.

Ces aires rurales d'éducation concertée rassembleraient plusieurs cantons (bassins d'éducation) pour construire collectivement un projet concerté de cette zone : activités culturelles et sportives, découverte du collège, soutien au projet spécifique de chaque bassin, expérimentation pédagogique, réflexion permanente sur le soutien scolaire, discussion avec les collectivités concernées...

Ce pourrait être également un point d’appui pour un futur lieu d’éducation populaire, d’école des parents où chacun apporte son savoir, une sorte d’école « peer to peer » : l’agriculteur passionné de karaté ou le boulanger prof de musique. L’idée est que chaque adulte se sente co- responsable de l’environnement éducatif -au sens large- des enfants de son territoire de vie.

Comme les enfants eux-mêmes apportent éducation (les « ecos gallopins » par exemple qui font entrer la bonne pratique du tri dans leurs familles !) et soins à leurs parents. C’est une responsabilité essentielle pour construire ce nouveau modèle de vie.

Chaque bassin serait animé par un enseignant bénéficiant de deux jours de décharge et en charge de la coordination pour lutter contre l'isolement des instituteurs et des familles tout en permettant un échange permanent avec les représentants des collectivités.

Au-delà de cette nouvelle organisation, les AREC pourraient proposer un nouveau protocole d'accueil des parents et des enfants pour réussir enfin le passage de la famille à l'école avec la mise en œuvre de "maisons des petits à l'école"* pour les 2-4 ans, un espace autre que celui de la classe pour découvrir l’autre, les autres, un lieu d'échange et de « présentabilité » de soi-même et de son enfant, un espace d’accueil parents-enfants. **

Beaucoup de familles ne se sentent pas « présentables ». Ces lieux d’accueil s’adresseraient donc à des parents qui rencontreraient des difficultés à faire passer directement leur enfant de l’espace familial à l’espace scolaire. Pour différentes raisons, mais souvent pour des raisons liées à des fractures familiales, (séparations, déménagements, divorces, décès…) ou sociales (perte d’emploi, handicap…), qui engendrent des cassures psychologiques, des défaites de l’image de soi. Quand l’image de soi est dégradée, nul n’a envie d’aller vers l’autre et cela, naturellement, ne favorise pas la relation aux autres, encore moins l’accès au monde de l’école.

Nombre de parents seraient rassurés par ce passage intermédiaire de socialisation ou de resocialisation de la famille et de l’enfant, ce « SAS » qui n’est pas tout à fait l’école mais déjà un ailleurs social, hors de la famille, en lien avec celle-ci, puisqu’un parent, au moins est présent avec l’enfant dans le lieu d’accueil, et en lien avec l’école, puisque ce serait un lieu proche de l’école, tout en n’étant pas encore l’école.

Il existe déjà en France de nombreuses réussites dans ce domaine, la plus convaincante, celle de 1,2,3 Soleil, à Montgeron, (94)

La création d' « ateliers de philosophie, Agsas,* « (séquence d'une dizaine de minutes par semaine) de la moyenne section à la seconde contribuerait à repenser l'école comme outil de formation de la conscience citoyenne parce que, pour être sensible à la parole des adultes, les enfants ont besoin de découvrir qu’ils sont capables, eux aussi, de produire une pensée par eux-mêmes.

Depuis une quinzaine d’années, une association, l’Agsas, sous l’impulsion de Jacques Lévine, son initiateur, a mis au point ces ateliers qui sont d’une grande richesse. Aujourd’hui, l’Agsas a déjà formé plus de 1500 enseignants, rééducateurs, conseillers d’orientation psychologues, psychologues scolaires …à la mise en place de ces ateliers de philosophie pour enfants et continue de proposer des formations, deux fois par an à Paris, et, à la demande, en province.

L’idée centrale des ces ateliers, c’est de considérer l’autre, l’enfant comme un « apportant», un « interlocuteur valable » et de considérer qu’il est capable, si on lui en donne les conditions et les moyens, de réfléchir sur les grands problèmes du monde, les problèmes que les humains se posent depuis la nuit des temps : « le bonheur, la vieillesse, la différence, l’argent, la famille, la colère, le respect, l’autorité, l’honnêteté, la justice, la loi, l’envie d’apprendre, le rêve, la honte, le mépris, l’admiration, la réussite, le travail, etc … » (cf à ce propos le numéro 38 d’avril 2010, de Philosophie Magazine, intitulé « Comment pensent les enfants ? »)

Permettre à des enfants de penser, ensemble, dans un espace « hors-menace », en toute responsabilité, -le maître se tient en retrait du groupe- avec un bâton de parole qui circule et qui régule la transmission de cette parole est un exercice qui fait « grandir » les enfants, en ce sens qu’ils se sentent considérés et capables de pensée, capables de penser par eux-mêmes, avec les autres, capables de s’insérer, demain, dans le monde qui les accueille. En ce sens, il y a là un énorme pas de socialisation et de sensibilisation à la citoyenneté qui se franchit en douceur, de manière intelligente et responsabilisante. « Les adultes me font confiance, pendant ces dix minutes, j’ai été un Citoyen du Monde qui réfléchit sur les problèmes du Monde, je fais partie de cette chaîne des humains et moi aussi, demain, je prendrai ma place dans cette société des Humains »

Enfin, la généralisation de groupes de « soutien au soutien »* (Groupes d’analyse de pratiques professionnelles, encore appelés « Balint-enseignant ») apporterait aux instituteurs, aux enseignants de tous niveaux, mais aussi à des parents, ce lieu d'échange et de lutte contre l'isolement pour partager expériences, doutes et projets. Réfléchir sur ses pratiques professionnelles, là aussi, dans un lieu « hors-menace », en présence d’un animateur formé, à intervalles réguliers, dans un lieu où chacun peut évoquer avec d’autres, des pairs, les problèmes qu’il rencontre dans son rôle d’enseignant, de parent, d’éducateur, échanger pour dire, échanger pour mieux comprendre ce qui se passe dans la relation à l’autre, ( Pourquoi cet enfant refuse t-il d’apprendre à lire alors qu’il en a toutes les capacités ? Pourquoi cet enfant me parle-t-il mal depuis quelque temps ? Pour quoi cet enfant est-il soudainement devenu muet en classe ? Pourquoi cet élève est-il si bagarreur ?…) mais aussi échanger pour mettre à jour des pistes de remédiation, des pistes de progrès, passer du « regard-photo » au « regard-cinéma » *, donner du futur à l’enfant, donner du futur à l’Autre, le considérer là aussi comme un « interlocuteur valable », l’autre qui a une logique qui nous échappe et que nous essaierons, ensemble, de comprendre, ce qui ne veut pas dire, l’approuver.

Cela ne signifie pas non plus que l’on soit dans la permissivité la plus totale. Chacun doit respecter les règles de vie en société, que ce soit à l’école ou ailleurs, d’autant plus que les adultes ont un devoir de rappeler ces règles si nécessaire et appliquer les sanctions appropriées pour un rappel à la loi. Cela n’empêche pas qu’en même temps, des adultes acceptent de réfléchir ensemble sur ce qui se passe pour essayer de comprendre ce qui a pu amener un élève à se comporter de cette manière et à rechercher ensemble pour cet élève des voies de réussite.

Cela ne signifie pas non plus que les enseignants doivent devenir des psychologues ou des psychanalystes. A chacun son travail, son rôle, sa spécificité, sa fonction, dans le respect des uns et des autres. Mais pour autant, le travail que pratique l’Agsas depuis trente ans a montré qu’il y avait là un chemin de progrès pour peu que l’on soit volontaire pour y participer pour peu que la hiérarchie soit « favorisante » dans cette démarche, que des collectivités territoriales voient là, elles aussi, un progrès possible pour le bien de tous et qu’elles acceptent ou proposent de créer des conditions pour que cela devienne possible dès lors qu’il y a une demande dans ce sens.

Ces propositions issues d'expériences locales et du travail de Jacques Lévine existent aujourd’hui dans notre pays.

Leur généralisation serait une réponse innovante et dynamisante à la crise de l'éducation si souvent dénoncée mais rarement traitée sous cet angle.

La ruralité peut être le laboratoire de cette " nouvelle école" simplement parce qu'à la campagne les liens entre les intervenants préexistent, parce que les mobilisations contre les fermetures de classe ont poussé enseignants, parents et élus locaux certes à la protestation mais aussi à l'imagination.

* Concept créé par Jacques Lévine.

** Taper « Lieu d’accueil parents-enfants, » ou « La Maison Verte de Françoise Dolto » sur internet.

***Agsas : Association des Groupes de soutien au soutien. « agsas.free.fr »

V) Agriculteurs, acteurs majeurs de la ruralité

Les agriculteurs sont emblématiques de la campagne.

Là encore il faut rompre avec l'image caricaturale du modèle unique du paysan.

Si certains d'entre eux vivent bien, l'immense majorité connaît une crise sans précédent : crise des revenus bien sur mais aussi crise morale grave et douloureuse.

Lâchée par l'Etat, la profession s'est pourtant considérablement modifiée au cours de ces 50 dernières années.

Formés sur les nouvelles énergies (la plupart des agriculteurs sont aujourd’hui des techniciens supérieurs), ouverts à l'innovation, les circuits courts, la diversification, l'importance de l'entretien des paysages, l'adaptation sans cesse aux nouveaux dispositifs administratifs et aux nouvelles techniques (mécanisation et informatisation en particulier) ils souhaitent légitiment apporter leur pierre à la construction d'une ruralité moderne, respectueuse des hommes et des femmes qui y vivent et des territoires qu'ils font vivre.

Il est donc indispensable de faire reconnaître par l'Union européenne et l'Etat, la spécificité des territoires ruraux qui pratiquent une agriculture extensive et de plus en plus orientée vers les "produits fermiers" ou le bio.

À ce titre, le retour à une politique de "contrats" avec l’Etat et l’Union européenne -bien plus qu’avec les distributeurs- inscrite dans la durée, à rebours des dispositifs de soutien mis en œuvre ces dernières années et qui ont largement démontré leurs limites, apparaît indispensable.

Agir pour généraliser, avec les collectivités locales et le soutien de l'Etat (ministères de l'agriculture, de la santé et l'espace rural), des plate formes de restauration collective, alimentées par des circuits courts (du pré à l'assiette) et pour servir les lycées, collèges, écoles et maisons de retraite.

VI) Des outils de gestion des territoires à transformer en outils d'animation et de participation

Le débat sur la réforme des collectivités locales n'a pas permis de dégager un consensus républicain, a fortiori dans les départements les plus ruraux, parce que la réforme n'a été pensée que du simple point de vue comptable (transfert de charges non compensés, financements croisés, démission de la puissance publique locale et même « coût » des élus locaux !).

Pour nous, représentants des territoires ruraux, l'enjeu est tout autre : il nous faut collectivement inventer l'animation des territoires du 21e siècle.

Certes le financement des projets, en particulier en période de crise, est aujourd’hui problématique et réclame des efforts d'imagination, mais notre priorité, parce que nous avons le devoir de promouvoir et de développer ce nouveau modèle de "vivre ensemble", est de répondre à l'attente forte de nos concitoyens en terme de coproduction des choix et de codécision sur les sujets quotidiens.

La généralisation et le financement pérenne de lieux d'échanges et de débats à l'échelle des cantons notamment et animés par des professionnels du développement local qui viendraient en appui d'associations de citoyens apparaît indispensable.

La capacité des territoires à dialoguer entre eux s'en trouverait renforcée; les citoyens, formés peu à peu, disposeraient d'outils pertinents de compréhension des contraintes et des propositions comme d'évaluation des politiques publiques de proximité.

1) Les centres sociaux

Dans le champ du « vivre ensemble » et du soutien à la citoyenneté et à l'éducation populaire, les centres sociaux, entendus comme participants de l'innovation sociale, du "faire compagnie" méritent une attention particulière.

Dépositaires de l'animation sociale et de la construction de la part social du projet de territoire (feuille de route partagée pour 3 ou 5 ans par les habitants), ils devraient aussi bénéficier de moyens spécifiques pour gérer les réseaux d'aides ménagères (souvent nouvelles "factrices" de la ruralité et en première ligne pour lutter contre l'isolement) et pour contribuer à la professionnalisation et à la revalorisation du rôle de ces faiseuses de lien social, essentielles pour construire une société plus respectueuse de ses Anciens.

Ils sont aussi organisateurs et inventeurs de l'offre de loisirs, d'accès aux cultures et aux sports pour les jeunes et premiers acteurs de la prévention contre l'incivilité.

La professionnalisation des centres sociaux (fonctionnement, statut juridique, pilotage) apparaît à ces différents titres totalement indispensables.

2) L’intercommunalité

L'intercommunalité quant à elle doit bien évidemment évoluer, dans le mode de désignation (suffrage universel direct) et sur ses périmètres sans toutefois se transformer en « agglomération rurale ».

Là encore ce sont les collaborations concrètes entre les territoires, les effets positifs de la mutualisation (comme pour les ordures ménagères, la gestion commune des appels d'offres pour la voirie, le contrôle de l'assainissement non collectif, le bassin réel d'emplois...) qui doivent fonder le socle de la discussion autour de ces nouveaux périmètres.

Un effet induit de cette modification de la carte communale en ruralité, pourrait être paradoxalement la revalorisation du rôle et de la fonction des communes et en particulier des chefs lieux de canton, parce que la délibération collective doit aussi s’organiser en proximité.

Tout aussi indispensable en zone rurale, les parcs naturels régionaux et les pays, parce qu’ils sont fondés sur la délibération collective et le contrat sont des outils de la ruralité moderne.

3) Les pays

Les pays, en gérant au plus prés des besoins une enveloppe contractualisée avec l'Etat, la Région et le Département sont un laboratoire d'expérimentation des choix collectifs et un lieu d'imagination pour mieux dupliquer les innovations des territoires et ainsi contribuer à "spécialiser" à différencier les campagnes des zones plus urbaines.

Ce sont aussi de forts leviers de modernité (les pays 2.0) et un bouclier face au déménagement de l'Etat (contrats de services publics ou même soutien pour l'acquisition de mallette RASED!).

4) Les parcs naturels régionaux

Les parcs régionaux, quant à eux représentent une ressource formidable en termes de conseils, d'animation et d'organisation du débat public sur les grands sujets de société (environnement, eau, forêt, culture...).

Les équipes techniques disposent en effet d'une formation et d'une expertise qui font des parcs un exemple concret de services publics modernes.

Ils sont, par ailleurs, contributeurs à la réflexion sur la création d'un fonds de péréquation environnemental abondé par les territoires les plus "carbonés" et bénéficiant aux espaces ruraux les plus vertueux. Ils appellent à la vigilance de tous, citoyens comme représentants locaux sur les enjeux de la préservation de la bio diversité et d'un développement éco-responsable.

VII) La culture en ruralité : un socle pour un nouveau modèle de vivre ensemble

La ruralité a contribué à façonner une mosaïque de cultures, qui se sont métissées, mais aussi transmises, de générations en générations.

Ce concept de cultures plurielles n’est pas sans s’opposer au concept de culture globale, qui évoque une forme d’uniformisation populaire, avec, à la clé, des critères distinctifs comme l’absence de tradition, la rapidité, la satisfaction immédiate des besoins, et une certaine forme de passivité collective et individuelle.

La France est le premier pays rural d’Europe, par le nombre de ses communes, le nombre de ses ruraux, mais aussi un mélange entre tradition de centralisation et de régionalisme culturel, ce qui a sans doute contribué au rayonnement culturel que la France entretien dans le monde. C’est la France qui a créé le concept « d’exception culturelle » en l’excluant des produits purement commerciaux définis par l’OMC

Le milieu rural Français s’est en même temps recomposé. Il a conservé, pour beaucoup, des activités culturelles traditionnelles fortes, voire les a remises en évidence, mais il a aussi bénéficié d’un véritable métissage, de part l’arrivée de nouvelles populations. Enfin, il défend un certain « art de vivre » fondé sur la simplicité des échanges, l’engagement associatif et citoyen, une forme de convivialité et de relation au temps et aux autres.

Dans ce mode de vie, la culture est au service de deux ambitions :

- Le « vivre ensemble »

- La visibilité du monde rural comme porteur de créativité, de talents, donc de richesses

De ce point de vue, et partir au concept de culture globale, la vie culturelle en milieu rural se pose comme une véritable « contre culture », concept qui n’a strictement rien de négatif dans la mesure où celle-ci est alimentée par la créativité locale et peut, d’une certaine manière, et tout en étant populaire, constituer une offre alternative et complémentaire que le « village global » tend à uniformiser, pour le meilleur (l’échange), mais aussi pour le pire (l’appauvrissement de la créativité).

Si l’on considère le milieu rural, à la fois dans ses caractéristiques traditionnelles, mais aussi nouvelles, la vie culturelle forme une véritable mosaïque d’expressions très différentes, qui peuvent se retrouver ainsi :

1) La culture des particularismes, traditionnelle et populaire, mais aussi la culture du « vivre ensemble »

Cette branche de la culture rurale fonde le concept de « bien vivre au pays » et associe en générale toutes les couches de la population, faisant ainsi de ce concept un ciment populaire

-La culture du « pays » d’abord, celle de la Résistance, comme en Morvan ou en Vercors comme celle des comices agricoles

-La culture des écrivains que les salons parisiens affublent souvent de l’adjectif de régionalistes et qui souvent les premiers ont plaidé la cause de la ruralité et ont rafraichi un style littéraire uniformisé

-La culture des villages, cet art de faire la fête, des bals de Pentecôte qui reviennent, des courses de cote, des tournois de belote ou de tarot, des derbys de foot entre deux villages distant de quelques kilomètres, des rendez-vous de la FNACA ou ces fanfares souvent présentes le 11 novembre ou le 8 mai, celle de l’apéro de Panis ou des chtis

2) La culture rurale revendicatrice

Cette branche de la culture des campagnes est une sorte de version rurale d’une des fonctions essentielles de la culture : mettre des mots sur le fonctionnement de la société, critiquer ou dénoncer dans une optique citoyenne et politique

-La culture de ces « fous du roi »( ou du président de conseil général ou encore du député) qui font jouer aux chaises musicales les élus et les préfets de région, ou encore qui font monter sur scène des chômeurs ou des « ptits vieux », qui organisent l’éducation populaire dans des universités des bistrots où sont invités tous les intellectuels de notre pays !

-La culture de diffusion des Festivals proposée souvent par ces maires qui veulent faire toucher du doigt les artistes que l’on ne voit que par petite lucarne interposée.

3) La culture dans sa fonction « éducation populaire et institutionnelle ».

Les territoires ruraux offrent très souvent des outils d’échanges, de formation, de créativité, soit organisée à partir des institutions locales, soit relayée par des centres culturels ou des associations culturelles militantes.

La culture de découverte de ces sociétés savantes qui font découvrir tel écrivain ou tel peintre de vrai talent, mais rayés des cadres de la « culture officielle »

La culture pour tous qu’essaient de promouvoir les nouvelles maisons de la culture que sont les parcs et les pays

La culture de la lecture et de l’écriture, au-delà des écrivains dit régionalistes cités ci dessus, et portés en particulier par les conseils généraux depuis plusieurs années (bibliobus, réseau de bibliothèques voir de médiathèques intercommunales, archives départementales…) ou par nos concitoyens qui organisent « les salons du livre » ou les journées « samedi c’est poésie, dimanche aussi ! ».

Le retard mis par l’Internet à arriver ou l’âge moyen plus élevé dans les territoires ruraux en sont peut être l’une des explications.

4) La culture rurale « néo mondialisée »

Il serait particulièrement réducteur de ne pas relier la « production culturelle rurale », la circulation des idées, les initiatives culturelles locales, sans aborder les relations qu’elle tisse avec le monde urbain et le « village global ».

La culture des « cités » que nos jeunes des campagnes maîtrisent parfaitement, Internet et face book obligent.

La culture des neos ruraux qui bien souvent intègrent la culturel locale traditionnelle pour la revisiter à la lumière d’une forme de modernité technologique.

La culture de la diversité, car les nationalités les plus diverses voire les plus improbables sont aussi à la campagne, le temps de l’échange, la connaissance de l’autre permettant, peut être ici plus qu’ailleurs, permettant d’effacer les a priori.

La culture de tous ces citadins, artistes, intellectuels, journalistes ou encore stars des médias qui s’investissent dans la commune de leurs résidences secondaires et qui inventent des « Jazz à Marciac » ou le « festival de chansons de Lormes ».

La culture de ces artistes qui vont se mettre au vert à Belle Ile en Mer, ou dans des petits villages corses pour créer et parfois partager avec les locaux un soir d’été à la terrasse d’un café

Ces cultures, en mouvement, constituent un des ciments du « vivre ensemble », tout comme un vivier extraordinaire de l’exception culturelle Française.

De notre point de vue, c’est à la République de s’engager pour garantir cette proposition de « vivre ensemble » et « de créativité plurielle ».

5) Quels éléments de réponse pour la ruralité ?

La première réponse, sur le fond, est de considérer l’apport culturel de la ruralité comme une expression enrichissante, respectable, et utile à la société française.

Trop souvent, la vie culturelle en milieu rural a été reléguée au deuxième plan des politiques d’actions culturelles, où la notion d’élitisme, sous couvert de qualité, et de structuration, sous couvert de centralisme, ont marginalisé ces formes d’actions culturelles.

La seconde réponse, sur la forme, nécessite des outils adaptés :

· Pour un volet culturel rural dans les politiques contractuelles :

Les politiques contractuelles –contrat de plan Etat/Région, contrats de pays, contrats de parc- ont souvent « oublié » la culture, sauf à considérer quelques actions très structurées portant principalement sur le patrimoine.

Même les pôles d’excellence ruraux ont superbement ignoré la culture rurale.

Il faut, au contraire, mettre au cœur des politiques contractuelles les politiques culturelles locales.

On peut ainsi penser à :

- Des contrats pluriannuels de cofinancement des manifestations culturelles rurales (d’une durée de 3 ans au moins) qui ont un impact sur le vivre ensemble et des retombées économiques locales

- Des contrats pluriannuels avec des compagnies professionnelles qui apportent, par leur savoir-faire et leur immersion locale, une valeur ajoutée culturelle et un dynamisme pour la population locale

- L’aide au fonctionnement et au développement de centres culturels ruraux, comme supports et accompagnateurs de la vie culturelle locale, centres culturels entendus comme des pôles de décentralisation de la culture et d’appuis aux initiatives locales.

· Pour l’aide au développement de la culture auprès de l’éducation nationale et du monde associatif

Le développement de la culture en milieu rural passe par une approche démocratique et intéressant le plus d’habitants possibles.

De ce point de vue, la présence d’actions culturelles en milieu scolaire est un véritable atout, mis en évidence par les classes APAC au début des années 2000, mais qui, malheureusement, ont été vidées de leur contenu par le désengagement financier de l’Etat.

Il faut donc reconstruire un programme avec des engagements financiers suffisant pour faire « redécoller » les classes APAC en milieu rural.

Le développement de la culture en milieu rural passe par des modalités de soutien à l’éducation populaire, ce qui peut passer par les centres sociaux, les foyers ruraux, ou même les professionnels de la culture directement : ateliers de création artistique en lien avec l’histoire et la vie du territoire, lien entre générations, universités du savoir et de la culture. Là encore, le soutien financier de l’Etat est primordial.

Certains Pays ont accompagné les compagnies professionnelles dans le développement « d’ateliers de pratiques artistiques ouverts à tous ». L’objectif est de donner plus de sens, et de faciliter les échanges entre les habitants, les territoires, dans une démarche culturelle.

· La contre culture rurale, comme outil de différenciation et de développement économique

La contre culture rurale a beaucoup à investir dans le « village global ». Cette forme de culture, qui revendique des particularismes tout en cherchant à les intégrer au concept de culture global, peut réussir à émerger, y compris comme porteuse de développement économique.

La culture bretonne, par exemple, a beaucoup servi l’image touristique et le développement économique régional.

En effet, le développement local, désormais, doit compter avec le concept de visibilité que la culture de l’image impose dans la bataille pour le développement économique.

Les liens que peuvent entretenir les savoir-faire culturels locaux avec la valorisation d’une marque territoriale doivent être amplifiés et soutenus dans la durée.

Valorisation des savoir-faire locaux, liens entre monde agricole ou même artisanal et la création artistique, des pistes de travail doivent être explorées pour faire émerger des produits nouveaux : la notion d’ « appellation culturelle contrôlée » pourrait définir ce concept à la fois comme porteuse de développement économique et de valorisation des talents.

· Le droit à la création en milieu rural pour une diffusion adaptée.

Dans les chefs lieux régionaux voir départementaux, les artistes créent et diffusent dans les « maisons de la culture ».

Le tissu rural doit pouvoir bénéficier de ces outils tout en les adaptant aux particularités rurales. Il s’agit d’accompagner la création de « centres culturels en réseau ». Se sont des lieux d’implantation différents, qui maillent le territoire, réunis autour d’une seule structure de coopération pour une animation en réseau. Ce réseau doit permettre de développer :

- un pôle de création artistique et de diffusion de la culture patrimoniale et contemporaine, porté par plusieurs structures (partenariat public/privée), implantée sur un même territoire.

- une plate-forme de rencontre et de création culturelle, qui tout en donnant valorisant les formes de culture locales, suscite l’émergence de pratiques nouvelles.

- un pôle de rayonnement et d’échanges culturels nationaux et internationaux.

· Les écoles d’enseignements artistiques

Les écoles d’enseignement artistique aident les territoires et les compagnies professionnelles à construire des projets qui mettent en jeu une pratique musicale, chorégraphique ou théâtrale d’amateurs.

Leur intervention durable dans le milieu scolaire (primaires, collèges et lycées) doit devenir systématique et doit être soutenue par l’Etat.

L’accès au cours de musique, de théâtre, de chant,…. s’il n’est pas organisé avec l’éducation nationale reste inaccessible financièrement et géographiquement pour les jeunes habitants des campagnes. Là encore, l’égalité républicaine n’est pas respectée.

Je suis Fabien Bazin, maire de Lormes, une commune rurale de la Nièvre. je me permets de vous adresser un texte qui me semble en résonance avec le ton de votre blog et intitulé "un bouclier rural pour réhumaniser les villes et revitaliser les campagnes.
Bien à vous
Fabien Bazin

40, Rue de la Maladrerie

58140 Lormes

Tel : 03 86 22 89 51

Fabien-bazin@orange.fr

Aucun commentaire: