Contribution de Claude Veyret, vice président de Espace Social et Culturel du Diois , de l'Union Régionale des Centres Sociaux Rhône-Alpes, Membre fondateur du CLD(Conseil Local de Développement ) du pays Diois et Président de la Ligue des Droits de l' Homme (Section dioise ) pour les Rencontres Mondiales de la Démocratie Participative , organisées par le Conseil Régional Rhône-Alpes ces 10,11 et 12 décembre 2007. Présidant d'APIS et coprésident de Ecologie au Quotidien de la Drôme..
VERS UNE DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE ET DÉCISIONNELLE
La démocratie s'est toujours vue affublée d'adjectifs plus ou moins à propos (exit "populaire" dans les dictatures d'état des pays de l'Est européen) ou de mode très sélectif du choix des participants (à Athènes, dans l'antiquité grecque, femmes, pauvres, étrangers et esclaves étaient exclus de la décision) et d' obstacles électifs évitant le suffrage direct (sénateurs élus par des élus ou avant la révolution de 1789, échevins élus par la grande bourgeoise marchande seule).
Il n'est donc pas superflu de la qualifier afin de parler ensemble de la même chose. Directe, locale, de proximité, délégataire, représentative, participative, décisionnelle, populaire, sociale, tous ces concepts ont leur histoire mais il n'est pas certains que nous mettions tous les mêmes réalités derrière chaque vocable. Et bien loin d'être une tarte à la crème ou une nouvelle mode, la "participation des habitants à la chose publique" a une profonde histoire sociale ancrée dans notre République et nos pratiques politiques.
Comme souvent, en France, quand on essaie de décortiquer les sens du "politique", il faut remonter à la Révolution Française. La Déclaration des Droits rendue publique le 26 août 1789 stipule dans son article XIV : "chaque citoyen a le droit, par lui-même ou par ses représentants, de constater la nécessité de contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée." On est presque à Porto Alegre, Sao Paulo ou Bello Horizontes… en 1988 et leurs budgets participatifs.
Sur la question la plus sensible (la crise financière est à l'origine immédiate de la Révolution) et la plus technique, l'impôt, la Déclaration prévoyait donc la possibilité de l'intervention directe des citoyens. La constitution de 1791 (bourgeoise ?) revient sur cet acquis. Cette constitution n'a pas été soumise à referendum. Mais malgré cette confiscation immédiate, nous connaissons, grâce aux travaux d'Albert Souboul et Maurice Genty, l'attachement du petit peuple des sans-culottes et de la bourgeoisie des beaux quartiers (et oui) à la démocratie directe. En réalité, l'accord est général pour manifester une profonde méfiance à l'idée de déléguer à des représentants (fussent-ils élus) la souveraineté dont la révolution a revêtu les citoyens. N'oublions pas que c'est dans les quartiers (base des sections) et hors de Paris, dans les communes que le "peuple souverain" (le "souverain" comme disait avec révérence Robespierre) avait fait l'apprentissage de ses droits. Et il n'y voyait aucune raison majeure d'y renoncer.
Les écrits de Jean-Jacques Rousseau avaient d'autre part profondément marqué les milieux populaires et ceux que l'on n'appelait pas encore les intellectuels. Ainsi, l'"Emile" et "la Nouvelle Héloïse" (deux textes pédagogiques et romanesques) avaient mis en lumière les conséquences criminelles de l'inégalité sociale, répandu le concept de citoyenneté (même si quelques pédants font encore des gorges chaudes aux concepts de Condorcet) et facilité l'accès aux thèses plus difficiles du "Contrat Social". "La souveraineté n'étant que l'exercice de la volonté générale ne peut jamais s'aliéner". Ce passage célèbre (Livre II, chapitre I) porte condamnation du régime représentatif ou délégataire. Le peuple qui remet sa souveraineté dans les mains de ses députés "se dissout par cet acte".
Cette abdication signe (symboliquement, politiquement et étymologiquement) la destruction du corps politique, la suppression de la démocratie (demos = peuple, cratie = pouvoir). Dès qu'un peuple se donne des représentants, il n'est plus libre : les intérêts peuvent certes être représentés, non les volontés. Nul philosophe n'est allé aussi loin dans la radicalité (au sens de racine) politique. C'est sans doute Rousseau qui a exercé la plus grande influence à la fin du XVIIIème siècle.
Les sans-culottes se sentent fondés à exiger cette démocratie politique et sociale. Robespierre, dès lors qu'il s'agit des principes, passe pour le porte-parole de Rousseau. Et Condorcet (dont le rousseauisme est moins exalté) cherche lui aussi passionnément comment "faire concourir immédiatement tous les citoyens à la formation des lois". Il propose, lors de la préparation de la convention de la nouvelle constitution de 1793 (an I de la République) que le peuple, dans ses assemblées primaires, puisse prendre l'initiative de lois soumises ensuite à referendum après force épreuves vérificatrices.
La constitution nouvelle, la plus démocratique que la France ait connue, introduisit finalement (et pour la première fois) le referendum dans les outils politiques de la République. Elle entérina le droit d'initiative des assemblées primaires tout en énumérant les matières sur lesquelles pouvait se porter l'initiative populaire. Les conditions historiques avaient conduit encore à la frilosité (la peur ! Toujours et encore). Les Montagnards, suivis par la Convention, redoutaient que le droit d'initiative locale et la pratique référendaire servent à opposer la Province à Paris comme le recherchaient nombre de Girondins.
Mais "l'Initiative" et "le referendum" étaient là. La constitution de 1793 fut d'ailleurs soumise à l'approbation du peuple dans une période difficile (guerres). La mémoire (collective ou inconsciente) de cette démarche démocratique restera dans les mémoires des " bons Républicains" (1830 – 1848 – 1871 …).
Pendant la moitié du XIXème siècle, les notables qui ont seuls conservé le droit de vote admirent ( tel Tocqueville) le régime anglo-saxon si modéré, si tranquille, si somnolant, si sécurisant, si accommodant ( faut-il y voir déjà les compromission entre le monde économique, le monde judiciaire et le monde politique ?). Ainsi conçu, le système représentatif (entre gens de bonne compagnie) devint une parodie de démocratie.
Le retour
Dans les camps des démocrates, au contraire, les luttes se focalisent autour de la reconquête du suffrage universel dont le souvenir mythique est cher au cœur des fils de 93 après "l'éclair de juillet". Des femmes tentent en vain se s'insinuer dans ce dispositif radical.
Le peuple, privé des outils de la représentation, continue d'utiliser les pratiques démocratiques mises en œuvre sous la Révolution : pétitions, manifestations, occupations, etc.…
A peine le suffrage masculin a-t-il triomphé en ce mois de mai 1850 que le "parti de l'ordre" (si, si) le conteste et veut interdire de voter 3 millions d'ouvriers au motif que "la quête du travail les conduit d'une ville à l'autre et leur interdit de prendre racine…".
C'est aussi dans cette période, où les voix s'élèvent pour dire haut et fort que "les élections de l'Assemblée et le pouvoir qu'elles génèrent ne sont pas essentiels". Ce vaste mouvement libertaire imagine "que de toutes façons le véritable souverain n'abdique jamais, le peuple a d'autres lieux où faire valoir sa volonté".
De Ledru-Rollin à Charles Delescluze (qui mourra sur les barricades de la Commune), des disciples de Fourier (tel le journaliste Victor Considérant) au philosophe laïc Charles Renouvier, des voix proposent de revenir à la constitution de 1793 et à ses orientations largement décentralisatrices et participatives. Le Peuple retrouverait la parole, à la base. Cette veine qui associe la participation du plus grand nombre à la décentralisation du pouvoir (déjà) va traverser tout le Second Empire et débouchera sur l'idée "communaliste". Les Lois Deferre de 1982 en sont les héritières, n'en déplaise…
Mais la démocratie n'est jamais acquise. Napoléon le Petit renforce le contrôle musclé des préfets et discrédite le referendum.
La Troisième République (1870-1940) sonne le retour au régime parlementaire et les taux de participation aux urnes donnent le sentiment que la démocratie de représentation a enfin gagné. Illusion. L'électorat populaire reste méfiant. C'est l'heure des démagogues (tel Boulanger, nationaliste soutenu par les monarchistes en 1889), des revanches par les urnes de la bourgeoisie conservatrice et de toutes les corruptions (trafic des décorations à l'Elysée…).
Mais nombre de socialistes aussi mettent longtemps à accepter le "jeu électoral" et à s'inscrire dans " un projet républicain de conquête du pouvoir par le système parlementaire". Bien sûr, parce que, jusqu'à la fin du siècle, l'espoir révolutionnaire reste vivace mais aussi en raison des critiques fondées adressées par l'électorat socialiste au système lui-même. En effet, l'élu est soupçonné de trahison, trahison des idéaux à la République, (la république des copains et des coquins), trahison des intérêts ouvriers dans une société où la lutte de classes s'affiche.
L'émergence de la société civile
Les socialistes (les citoyens-camarades ne sont pas seulement des électeurs) savent que l'organisation syndicale, le mouvement coopératif et mutuelliste, la formation permanente et l'éducation populaire peuvent tout autant que les élections peser sur la vie politique (et parlementaire) et permettre de déployer différemment ses revendications et ses espérances. Ainsi naît une Société civile. C'est l'intrusion de la société civile dans la vie politique.
C'est aussi l'époque où Vaillant (soutenu par une cinquantaine de parlementaires) présente au Parlement (sans craindre les railleries de la bourgeoisie républicaine) une réforme constitutionnelle : "la ratification populaire par referendum des grandes lois préalablement étudiées par les Chambres". La proposition socialiste, présentée en 1895, suggère aussi de donner au peuple un droit d'initiative inspiré du modèle suisse. Et Vaillant de conclure :"la délégation de pouvoir ne constitue pas l'horizon du socialisme. Elle n'est qu'une étape sur le chemin du gouvernement populaire".
Si les mots sont datés, les idées sont toujours vivantes et vivaces. La mise en œuvre du referendum d'appropriation de la loi par le peuple et du droit d'initiative (ré-inscrit dans le projet constitutionnel européen d'un certain 29 mai 2005) s'inscrit sur cette route. L'apothéose de cette émergence de la Société Civile a lieu ce mois de février 1934 : la démocratie syndicale remporta la victoire… 2 ans avant les élections du Front Populaire de 1936.
Le manque d'empressement des édiles parlementaires à démissionner devant Pétain et Laval le 10 juillet 1940 laisse pantois (que feraient nos élus aujourd'hui ?) et dubitatif sur l'avidité du pouvoir et de la représentation. La "libération" n'a d'ailleurs pas révolutionné (constitutionnellement) cette représentation fort douteuse (et soumise).
La guerre d'Algérie allait mettre en évidence la fragilité de ce type de régime… et l'article 3 de la constitution de 1958 stipule :"la souveraineté nationale appartient au peuple qui l'exerce par ses représentants et par la voie de referendum". Des décisions aussi importantes que les ratifications du "Traité de Maastricht" et autre "Traité Constitutionnel Européen" seront soumises à referendum.
Aujourd'hui ce mode de consultation directe du peuple a acquis droit de cité dans l'opinion. Des referendums dits d'initiative locale peuvent voir le jour en respectant certaines règles : échéances électorales éloignées, sujets locaux, etc…
Démocratiser la démocratie
Nous aurons bien noté qu'il s'agit jusque là de "consultation directe".
Mais aujourd'hui, la démocratie représentative est cernée (plutôt que malade). Non par des adversaires déclarés (les anti-parlementaristes et les cliques d'extrême droite et d'extrême gauche sont en voie de disparition…) mais par des forces économiques qui la tétanisent, voire tyrannisent.
Dans tous les domaines (eau, foncier, habitat, assainissement, transport, énergie, etc.…), un pouvoir économique total (certains diront totalitaire) capte les données techniques (études, réalisations, évaluations…) et financières confisquant ainsi le pouvoir, tant aux élus qu'aux citoyens. Le pouvoir du marché se rit de nos techniques démocratiques. Loi de l'argent, pouvoir médiatique, manipulation par les sondages, simplifications outrancières, jeux sécuritaires ne sont qu'un petit arsenal des moyens utilisés par l'économie. Les élections aux Etats Unis d'Amérique et certaines élections africaines où les dictateurs sont élus, parfois réélus, en sont une caricature
Dans cette confiscation croissante de la démocratie par les lois du marché, on assiste à l'autre extrémité (et pour cause) à des taux d'abstention records ou des votes extrêmes par exaspération (19% au Front national un 21 avril 2002 mémorable).
Non, le système délégataire ne s'en sortira pas tout seul. N'oublions pas qu'il ne représente au mieux que 51% des votants et laisse 49% de ceux-ci aux abois pendant 6 ans (sur le même type de scrutin). Dans les triangulaires ou des abstentions record, il représente parfois 15 à 16% du corps électoral.
Le système délégataire a besoin d'être consolidé par la démocratie participative (la société civile) afin de consolider la démocratie tout court. Nous sommes bel et bien au cœur d'une évolution historique de nos pratiques.
En réalité, le conflit actuel ne porte pas sur l'idée de démocratie mais sur le rapport (information, consultation, concertation, coopération, codécision, cogestion, etc…) entre les institutions et la majorité du peuple. Actuellement, nous sommes presque tous d'accord pour affirmer que "la démocratie ne permet pas à chacun de discuter et décider d'une affaire commune".
Dès les années 60, diverses démarches apparaissent (avec le mouvement autogestionnaire local – exemple de Louviers géré par le PSU) et fleurit l'idée d'un nouveau rapport entre le "pouvoir" et les "contre-pouvoirs" et la conviction que "l'exercice de la démocratie au plan local ne saurait se limiter au mandat confié par le suffrage universel". Il est nécessaire de créer un "échange permanent, coopératif (ou conflictuel) entre l'assemblée du corps social et le pouvoir local.
Les notions d'expertise populaire (Michel Seguier) ou d'"expertise d'usage" font leurs apparitions. A cette époque s'installeront les premières "commissions extra-municipales".
En 1977, les opérations "Habitat et Vie Sociale" (H.V.S.) parlent d'animation sociale concertée. Les politiques de la ville essaieront par divers moyens d'associer les habitants à la réhabilitation de leur quartier. Les lois de décentralisation (82 à 92) déclineront de nouveaux droits : droit de l'opposition, publication des arrêtés des maires, conseil consultatif local, consultation locale, transparence de l'action municipale, obligation en termes budgétaires, etc..). Les lois Voynet et Chevènement (en rupture avec la loi Pasqua) jouent la carte de la citoyenneté locale et font du développement durable leurs références universelles en matière de politique territoriale.
La loi Voynet (99-533 du 25 juin 1999 dite LOADDT) propose de "renforcer les communautés géographiques que l'histoire et l'économie ont façonnées" et comme le dit Dominique Voynet : "il y a belle lurette qu'on le dit, les élus ne sont pas les seuls à pouvoir prétendre représenter les aspirations, la créativité et la dynamique des territoires".
Et enfin, la loi dite de "Démocratie de Proximité" modifiera la consultation locale qui deviendra " Consultation d'Initiative Populaire" (droit d'un cinquième des inscrits sur les listes électorales…). Il faudra attendre la loi organique du 1er août 2003 pour instaurer le referendum local décisionnel (décidé par le maire).
Une nouvelle respiration démocratique
A Die et dans le Diois (comme ailleurs), des "groupes de parole", des "chantiers participatifs", des "conseils de la vie scolaire", l'"observatoire de la vie sociale du Diois", les "assises de la vie associative", le "Conseil Local de Développement du Diois", etc… sont autant de lieux et temps multiples et riches de ces instances et dispositifs de concertation qui germent ou fleurissent dans le Diois. D'une manière générale, les élus semblent encore avoir du mal à lâcher la bride à ces instances en leur reconnaissant un pouvoir précis (et la légitimité populaire). Pourtant, leur pérennité, leur capacité d'expertise et leur représentation du terrain (basée sur un vécu quotidien) semblent tout de même influer sur les grandes décisions et représentent le territoire dans toute sa diversité.
Le Conseil Local de Développement (CLD du Diois) a vocation à être une instance représentative de la société civile dans toutes ses composantes. Les défenseurs du cadre de vie, les non-actifs, les femmes, les salariés, etc…sont largement sous-représentés dans les instances représentatives élues, voire, pour les jeunes (-45 ans) carrément absents. Nous sommes dans une logique de captation du pouvoir par le "blanc mâle" de plus de 50 ans ayant un revenu assuré, soit 10% de la population. L'objectif est que les forces vives du pays soient associées à la construction du projet de territoire. C'est une véritable révolution silencieuse qui est en marche.
Alors que certaines inter-communautés veulent gérer le territoire comme une banque, certains territoires (Grand Lyon, Pays Diois, Nantes) innovent dans les liens entre instances consultatives, participatives et délégataires.
L'obligation de projection (prospective) à 15 ans du territoire communautaire sur les principes de développement durable et la construction de pans entiers de politiques publiques ne peuvent plus se faire sans impliquer les habitants, ne peuvent plus se faire contre les populations (voire l'histoire exemplaire du Larzac).
Si les élus se montrent parfois dubitatifs sur la capacité des citoyens à faire des "choix raisonnables", ils ne font pas trop le bilan ou l'évaluation sur des fiascos urbanistiques, architecturaux ou d'occupation du foncier (logements en bordure de rivières, terres agricoles fertiles bétonnées, etc.…) qu'ils ont décidés et autres démagogies d'enquêtes publiques bâclées, en passant par la gestion du nuage de Tchernobyl et autres joyeusetés.
Evidemment, là comme ailleurs, la société civile amène les acteurs locaux à se remettre en cause : contre-sommet du FMI à Berlin en 1988, Forum Mondial de Rio en 1992, 500.000 personnes à Bangalore contre l'OMC en 1993, Sommet du G8 à Cologne (20 millions de signatures contre la dette du Tiers Monde), Seattle contre l'OMC en 1999, Millau 2000, Porto Alegre en 2001, Barcelone 2002, Evian 2005, Larzac 2003 (300.000 personnes), FSE de Saint Denis, Hong Kong 2005, etc.…
D'une certaine manière, le travail de l'élu deviendrait plus un travail d'animation et celui-ci se devrait aussi d'être plus clair dans ses choix. Il devient encore plus politique, au "bon sens du terme". En France s'ajoutent le facteur très particulier de l'épuisement du système politique de la Vème République, de ses institutions, de sa vie officielle et le type de relations qu'elle a suscité entre les gouvernements et le peuple. Dans la Vème République, nous vivons avec le système mis en place pour permettre à une forte minorité de gouverner sans problème. Le 21 avril 2002 a démontré, si besoin en était, que les gouvernants n'ont rien compris et le peuple, qui était dans la rue, a été appelé pour faire pénitence et à voter "Chirac" pour sauver le système en place.
La crise des banlieues a aussi montré l'incapacité des gouvernants, experts et oligarques à prendre en charge les inégalités économiques et sociales mais aussi politiques. L'écart entre les élus et la société civile est ici patent, irréfutable et aveuglant. La seule issue pour sortir de ces impasses est la réappropriation de la démocratie par les citoyens : la démocratie participative et ses déclinaisons en fonction des volontés, des besoins et des nécessités. Depuis la simple notification aux habitants, les contacter, les informer, les documenter, prendre leur conseil, les consulter, la concertation, la coopération... jusqu'à la codécision, voire la cogestion… d'innombrables outils sont à notre portée.
Réoxygéner la démocratie locale
En 2000, quelques 1.300 Diois et Dioises, dans moult réunions communales et cantonales, avaient élaboré la "Charte du Pays Diois" qui reste au demeurant le "socle fondateur" tant de l'obtention du label "Pays" en 2005 que de la reconnaissance du territoire "Pays Diois" par la Région Rhône Alpes. "Ensemble osons construire un pays d'avenir et ouvert pour y vivre mieux et plus nombreux" apparaît être un programme séduisant.
En septembre 2005, se crée le "Conseil Local de Développement du Pays Diois" (propulsé par la Communauté de Communes du Diois) comprenant une vingtaine de personnes issues des commissions de travail de la CCD pour la plupart (50% élus et 50% société civile en gros au départ, 20% d'élus et 80% société civile aujourd'hui). Ce CLD restreint depuis 8 mois donne des avis sur les projets de Pays conventionnés entre la Région Rhône Alpes et la CCD. Il fait des préconisations, des propositions aux élus du territoire sur des questions qui préoccupent les habitants. Déjà, reprenant des questions tant de la CDD que des habitants, des chantiers sont ouverts : logement, transport, culture, tourisme, l'enfance-jeunesse, les personnes âgées, l'agriculture, l'économie, etc…
Le CLD s'est fixé deux objectifs : l'ouverture au plus grand nombre de citoyens (en chemin) et la garantie d'un fonctionnement réellement participatif. Plusieurs obstacles sont évidemment à éviter : en faire une coquille vide, en faire un tremplin aux avidités électorales ou de pouvoir des uns ou une tribune de contestation ou de valorisation des autres. Les citoyens savent que l'enjeu est de taille, car comme le dit la fable :"on ne les y reprendra pas" si la démocratie reste une participation de façade.
Les citoyens, les responsables associatifs, les militants syndicaux, les pionniers de la transformation sociétale et autres personnes engagées dans la vie sociale et culturelle du territoire doivent aujourd'hui s'investir dans cette aventure citoyenne. Ce nouveau lieu de travail partagé va exiger une connaissance et une confiance mutuelle des acteurs. Le Diois, de par son histoire politique, sa faible population et l'importance de ses nouveaux arrivants, a une chance d'être un terreau innovant et imaginatif pour systématiser les relations constructives entre élus et citoyens. Ce sont bien des lieux obligés de mélange, de confrontation ou de représentation des uns et des autres qu'il faut faire émerger, alors la méfiance s'atténuera par la pratique de l'échange et du travail commun.
Ce cheminement de "démocratisation de la démocratie" est un approfondissement d'une citoyenneté active. Il y a un dépassement de la pratique de la participation octroyée pour contribuer à une coopération choisie. Entre l'approfondissement et la refondation de la démocratie, chacun pourra débattre. Nous retrouvons aussi en relief le débat autour de la légalité et la légitimité… et l'éternelle peur des processus novateurs dans les initiatives locales. L'inquiétude de l'innovation ne sera jamais aussi inquiétante que l'inquiétude face à l'essoufflement du système représentatif. L'aspiration, l'espoir et le rêve du sommet sont grands. La modestie et l'humilité de chaque pas sont vertus. Au bord de la falaise, la vigilance et l'attention sont prudence.
Ils sont des héritages qui obligent et des projets qui éveillent.
Osons.
Claude Veyret, ce 10 12 2007
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